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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/288

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UN DIVORCE

jamais qu’un ange déchu : fille, l’ignorance et la vanité la fourvoient ; femme, la loi sociale l’avilit…

— Monsieur… dit Claire, surprise et troublée à la fois.

— Ah ! pardon, madame. Pardon ! s’écria-t-il avec moins de repentir que de colère. — Et vraiment son sourire fut impertinent quand il ajouta : Nous parlons de choses générales.

Claire se sentit blessée. Elle baissa les yeux à terre, et d’un ton piqué :

— D’après cela, monsieur, aucune femme, je le vois, ne serait digne de vous ?

— Je ne dis pas cela, madame. Je dis que le hasard embrouille nos destinées, et nous gaspille et nous gâte les conditions du bonheur. Toutes les femmes ne sont pas libres, et je n’ai pas le droit de choisir. Mais laissons cela ; je ne fais que me moquer de mes propres rêves !

— Et pourquoi ne pas croire à quelque heureuse réalité ?

— Savez-vous, madame, si la femme que j’aimerais pourrait m’aimer ?… si j’oserais même la questionner à cet égard ?

En achevant ces mots, il saisit le petit Fernand dans ses bras et l’emporta au fond du jardin, laissant Claire fort troublée par ces dernières paroles. Mesdames Renaud et Boquillon, en revenant, la trouvèrent pensive, berçant machinalement sa petite fille, couchée sur ses genoux. C’était une jolie enfant déjà, blanche et potelée, qui avait de grands yeux bleus et une expression de douceur mignonne.

Avec sa lèvre pendante et son gros nez en l’air, Dieudonné ne brillait pas auprès d’elle ; aussi les compliments que madame Boquillon adressait à la petite Clara prirent-