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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/303

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UN DIVORCE

en fixant de nouveau sur la cheminée son regard plein d’une expression ardente.

Elle se leva, prit les lettres, et plaçant la première, celle de madame Fonjallaz :

— Tiens, dit-elle en baissant la voix au ton de la confidence, et en même temps avec un accent persuasif, tu les lui remettrais comme cela, celle-ci en dessus des autres, et tu observeras… n’est-ce pas, Mathilde ? tu me diras de quel air il la recevra.

— Ma chère enfant, répliqua mademoiselle Sargeaz, ta commission ne me va point. Je ne puis pas entrer à ce point-là dans vos affaires. Viens plutôt avec moi, tu verras toi-même.

— Eh bien ! oui, s’écria Claire, j’irai. Il trouvera tout simple que je t’accompagne, et je verrai de suite s’il reconnaît l’écriture, s’ils se sont écrit déjà ; puis, s’il osait l’ouvrir devant moi, cette lettre, je saurai si elle est longue ; j’observerai son expression en la lisant. Oh ! mais il ne l’ouvrira pas, je pense ; qu’en dis-tu ?

— Je ne sais pas ; mais dépêchons-nous.

Elles partirent, laissant les enfants aux soins d’Anna, et toutes deux se hâtant, mademoiselle Sargeaz de son pas alerte, et la jalouse de son pas impatient, elles arrivèrent peu d’instants après aux bureaux de la maison Dubreuil et Desfayes, situés au premier étage dans la rue de Bourg.

Madame Desfayes était bien connue des employés de la maison. À son entrée dans la première pièce, où écrivaient quatre commis, elle remarqua sur la figure de ces messieurs une stupéfaction qu’elle ne put s’expliquer. Le plus jeune d’entre eux, un garçon de seize ans, avait même une mine si drôle, que mademoiselle Sargeaz en