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UN DIVORCE

qué la pantomime des trois employés, et, tout à coup, laissant Mathilde répondre avec une nouvelle indignation que ce n’était pas à M. Dubreuil qu’on avait affaire, elle marcha vivement à la porte du bureau de son mari, l’ouvrit sans bruit, traversa d’une enjambée la petite antichambre qui précédait le bureau de M. Desfayes, et, du seuil, son regard, dardé comme une flèche, alla frapper au fond de la chambre deux personnes qui s’écartèrent vivement l’une de l’autre… Claire ne s’était pas trompée ; c’était bien madame Fonjallaz. Elle était en grand deuil, et plus éblouissante que jamais ; car sa jeunesse et sa fraîcheur formaient avec ses vêtements noirs le plus éclatant contraste ; c’était une rose entourée de crêpes, une ironie splendide.

Pendant une minute, sous l’étourdissement du coup qu’ils reçurent tous trois, ils restèrent sans parole. La figure énergique et sévère de Mathilde, qui vint se placer derrière Claire, ajouta à cette scène la présence d’un juge. Ce fut madame Fonjallaz qui reprit la première son sang-froid ; elle avait pâli, pourtant ; mais de son ton habituel et d’un air dégagé :

— Eh bien ! alors, monsieur Desfayes, puisque c’est une affaire arrangée, je vous laisse. Bonjour.

Elle releva la tête, serra son châle, et s’apprêtait à passer près des nouvelles arrivées, de son air impertinent ; mais, ses premiers pas l’ayant mise en face de Claire, qui gardait la porte, elle s’arrêta. Les yeux de la jeune femme flamboyaient ; tout ce qu’elle avait apporté dans cette maison de jalousie inquiète venait de s’exalter jusqu’à la rage par les aliments qu’elle avait trouvés, et la passion, insufflant dans ses veines des forces inconnues, la soulevait au-dessus d’elle-même. Ses bras souples, ses