Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/324

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
312
UN DIVORCE

Ferdinand ne pouvait être que dans l’un ou l’autre de ces établissements. Ce n’était point un rêveur à promener ses pensées ni ses chagrins sur des routes solitaires. Mais, à Lausanne, les femmes n’entrent point au café. Comment ferait Claire ? Irait-elle dans ces lieux publics le demander aux gens de service ? Elle serait reconnue, et ce nouveau fait, commenté, grossirait l’histoire du scandale éclos ce jour même dans les bureaux de la maison Dubreuil. Serrant son châle sur ses épaules, et bien abritée sous son voile, madame Desfayes suivit le trottoir le long du café Jorand, et tandis qu’elle passait lentement devant les fenêtres, son regard se glissait à travers les vitres, à l’endroit où les rideaux, au bord, se recroquevillaient un peu.

Elle reconnut la tête blanche et bénigne de M. Pascoud, lequel semblait réciter quelque chose à un interlocuteur accoudé sur la table, et qui, à en juger par son immobilité, devait être bien attentif ou bien endormi. Elle ne vit pas son visage, mais à la chevelure elle reconnut que ce n’était point Ferdinand ; plus loin, on n’apercevait que formes confuses, s’entre-croisant sur un plan trop éloigné.

L’exaltation de la jeune femme commençait à se refroidir au contact des obstacles. Elle s’aperçut qu’elle était remarquée et trembla d’être reconnue. Ses nerfs se détendirent : ses jambes fatiguées plièrent sous le poids de son corps ; elle devint inquiète, timorée, presque honteuse de sa démarche. Que faisait-elle là ? Ferdinand peut-être était rentré.

La chaleur avait été suffocante pendant le jour et régnait encore à l’intérieur des maisons. Si M. Desfayes se trouvait en ce moment dans quelque lieu public, ce devait être au Casino. Claire s’y rendit, et, longeant lente-