Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/357

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
345
UN DIVORCE

vragé qui ornait sa fenêtre, et tandis que lui apparaissait confus, à travers ses larmes, le magnifique panorama du Léman, elle se trouva si dépourvue de toute joie, si humiliée, si attaquée de toutes parts !… L’ombre qui en ce moment, à la chute du jour, envahissait la terre, lui semblait pénétrer en elle aussi et l’envelopper, et sans les petites voix argentines qui résonnaient dans la chambre, elle eût voulu descendre ainsi, de plus en plus et tout à fait, dans l’ombre et dans le néant.

Elle allait donc être forcée de prendre dans sa maison une servante nouvelle, une étrangère, malveillante peut-être, curieuse et bavarde presque assurément, et qui, dès le premier jour, assisterait au spectacle de ses humiliations et de son malheur. N’était-ce pas appeler le public même à contempler sa misère ? Ce n’était pas assez de manquer de bonheur, il fallait renoncer à la considération qui lui était chère, et subir, en même temps que la pitié de ses égaux, l’insultante compassion de ses inférieurs.

Dès le lendemain, Claire chargea sa mère et la tante Charlet de lui trouver en huit jours une bonne domestique. Elles se récrièrent ; l’agitation causée par cet incident s’élargit en un cercle d’au moins vingt personnes, qui prirent si vivement à cœur l’embarras et les peines de Claire, que la jeune femme les sentit augmentées d’autant.

Mais M. Desfayes assura que Louise ne serait pas difficile à remplacer ; il se chargea de son côté de chercher une domestique, et annonça dès le lendemain qu’une fille honnête, habile et bien recommandée, viendrait se présenter le soir.

Elle vint en effet. C’était une personne d’une trentaine d’années, au regard oblique, aux lèvres minces, et qui