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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/368

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UN DIVORCE

compréhensions étranges et perfides. La tante Charlet avait pourtant fait preuve de délicatesse et de générosité en disant tout haut que Claire était, après tout, trop malheureuse pour qu’on s’occupât de rechercher si elle avait bien épuisé tous les moyens de douceur et de conciliation avant d’en venir à une extrémité pareille.

Du reste, elle ne savait pas quel effet cela faisait dans la ville, car elle évitait d’en parler, et même ça l’empêchait de sortir. On n’aime pas à être regardée comme ça pour un scandale de famille ; dans la rue, elle filait le long des maisons, sans lever les yeux. Elle avait seulement rencontré madame Rovère, la femme de l’ancien syndic, une si digne personne, qui lui avait demandé si c’était bien vrai que madame Desfayes eût abandonné son mari.

Mademoiselle Charlet avait répondu qu’il fallait apparemment que sa nièce y eût été comme forcée ; et madame Rovère avait dit beaucoup de choses très-justes : qu’elle plaignait beaucoup cette jeune femme ; que c’était un acte bien grave ; que la jeunesse rendait impatient et faisait oublier que Dieu ne nous afflige que dans son amour ; et que cependant, quand nous prenions l’Éternel pour notre berger, nous ne trouvions nulle part de disette, car il nous faisait reposer dans des parcs ombreux, le long d’eaux paisibles ; mais la lumière du christianisme n’était devenue dans les âmes de ce siècle qu’un lumignon fumeux. — Madame Rovère avait aussi, d’un certain air, demandé si Claire n’était pas fort liée avec sa cousine Mathilde.

Enfin la chose était faite ; il n’y avait plus qu’à s’en remettre à la volonté de Celui qui prévoit tout. Hélas ! si Claire avait donné tout son cœur à cet amour-là, elle n’aurait pas trouvé la résignation si difficile.