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UN DIVORCE

quand on saignait le porc ou la volaille, allait toujours s’asseoir à la première place pour voir, et ne bougeait que ce ne fût fini. Mais, pour Fernand, la souffrance d’autrui devenait aussitôt la sienne, et l’on ne savait plus quelles sortes de contes lui raconter, car les contes, aussi bien que les histoires, ne se passent guère sans malheurs.

Il aimait beaucoup sa petite sœur, qui l’aimait aussi. Attirées l’une vers l’autre, souvent, ces deux têtes mignonnes se choquaient dans un baiser maladroit. La vue de son frère suffisait à rendre gaie la petite Clara, et, quand elle pleurait, Fernand, accourant près d’elle, réussissait à la calmer par d’inintelligibles consolations. Cet enfant n’oubliait pas, comme font les autres, les personnes qu’il ne voyait plus ; car il répétait souvent, très-souvent : « Maman, où est papa ? Et pourquoi donc n’est-il plus avec nous ? »

On était à ces jours d’octobre chauds et purs où la vie dans les choses, pleine d’une grâce infinie, nous pénètre délicieusement. Les pampres de la tonnelle, quelques-uns d’un rouge éclatant, les autres d’un jaune pâle, s’affaissaient au bout de leurs tiges, d’un air de mélancolie et de mystère, comme s’ils eussent été silencieusement occupés de dénouer les fibres qui les attachaient à la vie.

Déjà dépouillés, et repliés sur eux-mêmes, les chèvrefeuilles, les platanes et les acacias laissaient le soleil chauffer vainement leurs troncs engourdis ; on marchait sur des feuilles tombées. Ce n’est point cependant la tristesse qui est l’âme de cette grande époque, mais une sorte de joie sereine, la satisfaction de l’œuvre accomplie, la douce langueur du repos après le travail.

Le petit Fernand était d’une gaieté extraordinaire et