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UN DIVORCE

Cet homme était un personnage vêtu de noir, qui portait sous son bras un registre ; un procureur, comme ils disent au canton de Vaud ; en France, un huissier ; par tous pays, oiseau de malheur, dont la vue effarouche les pauvres passereaux de l’espèce humaine ; infortuné qui, pour un salaire, a consenti à ne soulever devant ses pas que crainte, désespoir ou malveillance.

— Oh ! c’est pour mon père, sans doute, dit Anna en se levant. Je vais voir.

Mais elle était tout émue.

Claire demeura seule et anxieuse. Le procureur, bientôt, repassa devant elle en s’en allant, et un moment après, elle vit sa sœur qui revenait, accompagnée de M. Grandvaux. Ils marchaient lentement, échangeant des paroles à voix basse. Le père haussait les épaules ; Anna semblait atterrée. Claire vit bien qu’elle ne s’était pas trompée, et qu’il y avait là un malheur pour elle.

— Eh bien ? murmura-t-elle, quand ils furent tout proche.

— Eh bien ! c’est des bêtises ! répondit d’un ton rude le père Grandvaux. Tu n’as pas à t’occuper de ça du tout ; et, pour mettre les choses au pire, s’il fallait en passer par là, ça ne serait que pour quelques jours ; ça ne durerait pas, je t’en réponds. Ayons seulement encore un peu de patience, il faut faire les choses à coup sûr.

Anna embrassa Claire en pleurant.

— Console-toi ; notre père assure qu’il ne l’aura pas.

— Fernand ! cria la pauvre mère d’un ton déchirant.

— Ne te désole pas, ma chérie ; nous avons huit jours, et d’ici là nous verrons, nous trouverons quelque chose… Sois tranquille, je t’assure que nous le garderons.