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UN DIVORCE

— Oui, Claire, oui, vous l’auriez été ; je vous aime tant, que j’en suis certain. Mais vous étiez faible, indécise. Je vis dans vos yeux de la bonté, de la sympathie, une préférence peut-être, mais non cet amour, qui est en même temps une foi. Mes efforts n’auraient abouti sans doute qu’à vous créer des chagrins et à m’attirer des humiliations. Je restai muet.

— Je savais que mon père n’eût jamais consenti…

— Non, il lui fallait un gendre qui pût se ruiner, comme le fait M. Desfayes, et non pas un homme vivant largement d’un travail qui fait sa joie. Tenez, chère amie, il faut qu’autrefois d’affreuses misères, un dénûment épouvantable, aient fait passer dans le sang de l’homme la haine de la pauvreté ; car il n’a d’autre soin au monde que de la fuir, d’une course folle, dans laquelle il dépasse toujours le bonheur. Que vous a valu votre richesse, ma pauvre Claire ?

— Mon ami, je n’ai jamais connu même l’aisance. Chez mon père, je ne disposais de rien ; chez mon mari, j’étais chargée de faire face à de nombreuses dépenses avec peu d’argent, et placée sous son exigence, j’ai connu tous les ennuis des nécessiteux. J’avais de beaux meubles et de belles robes, voilà tout.

— Et vous avez si peu besoin de belles robes pour être belle, dit-il en déposant un baiser sur ses cheveux.

Claire se dégagea doucement des bras du jeune homme, et s’écartant un peu de lui, elle s’adossa contre la cloison de planches. Camille lui reprit la main.

— Eh bien ! dit-il, je suis à vous maintenant, vous le savez. Quoi que vous décidiez, je suis à vous. Je me suis imposé la loi, vous aimant d’amour, de ne point vous donner de conseils contre votre mari. Vous épuiserez vis-à-vis de lui toutes les mesures de douceur et de longa-