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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/394

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UN DIVORCE

n’avais jamais imaginé que l’on pût s’aimer si vite. Mais non, vois-tu ! on ne peut s’aimer si vite ; il faut se connaître. Quand on ne se connaît pas, qui aime-t-on ? Un autre. On reconnaît bientôt que l’on s’est trompé, et l’on n’aime plus. Il faut s’aimer tel qu’on est, alors c’est fini pour la vie ; alors, — elle fondit en larmes, — alors, ni faiblesse, ni folie ne rebutent, ni ne découragent ; on aime toujours, parce que c’est lui !…

Elle se leva, et, toute baignée de pleurs, elle s’enfuyait ; mais sa sœur la retint dans ses bras, et, avec une sorte d’effroi :

— C’est donc ainsi que tu aimes Étienne ? lui demanda-t-elle.

— Oui, répondit la jeune fille, si bas qu’il eût semblé que c’était son cœur même qui répondait.

Et elle s’enfuit dans sa chambre, éperdue et tremblante, d’avoir, pour la première fois, découvert le fond de son cœur.

Claire la suivit d’un regard triste et plein de trouble. Puis, elle acheva lentement sa toilette de nuit, enferma sous un bonnet garni de dentelles ses longs cheveux, couvrit ses épaules d’un mantelet blanc, et s’approcha machinalement du lit… Mais absorbée, la tête chargée de pensées, elle s’assit au bord seulement, à demi couchée, le front dans sa main et les yeux fixés à terre, tandis que, sur la commode, la lampe pâlissait, et que des deux berceaux, placés tout près d’elle, s’élevaient deux respirations douces et inégales.

Claire songeait à ce que sa sœur venait de lui dire, et, bien qu’elle eût été étonnée, et que d’abord elle eût protesté, elle commençait à comprendre.

En se décidant à retourner chez son mari pour ne pas abandonner son enfant, elle n’entendait faire qu’une dé-