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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/403

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UN DIVORCE

— Jusqu’à la fin du procès ! répéta-t-elle encore avec effroi.

— Sans doute, et après aussi ; cela va de soi. Crois-tu que, s’il est condamné pour adultère, on lui laissera les enfants ? Allons, tâche maintenant de te tenir tranquille, et couche-toi bien vite, parce que, aussitôt que tu seras réveillée, au matin, nous partirons :

M. Grandvaux sortit alors de la chambre. Claire demeurait immobile et comme atterrée, quand la voix de l’enfant s’éleva :

— Maman, c’est donc papa qui était le voleur ?

Elle tressaillit et fondit en larmes. Vainement elle s’efforça d’ôter à l’enfant cette idée ; il y revenait toujours, et ses yeux fixes et son front pensif témoignaient combien fortement elle l’occupait. La lumière éteinte, il resta longtemps sans dormir, à côté de sa mère, qui entendait sa respiration oppressée, tandis qu’elle se sentait, elle, comme anéantie, au point même de ne plus souffrir. Elle n’avait plus à choisir. On avait décidé pour elle. Cependant elle ne savait si elle devait se plaindre de son père ou le remercier, et contemplait avec une sorte d’étonnement son passé d’un côté, son avenir de l’autre, séparés par un abîme. La liberté lui était rendue, mais elle ne s’en réjouissait pas. Elle était comme foudroyée et sentait quelque chose de brisé en elle. Pour la première fois peut-être, elle voyait la vie sans prestige, sans charme, sans goût. La pensée même de Camille ne lui apportait pas de bonheur. Elle se demanda avec terreur si elle n’aimait plus.