vous vouliez être bon pour lui, il serait meilleur pour nous.
— Bon pour lui ! Je ne l’ai été que trop, Vionaz, et c’est pourquoi il m’a mangé comme le loup mange un mouton. À présent que j’ai pourtant trop besoin de mon argent, il faut bien que je le presse.
— Hélas ! pour le besoin, c’est nous qui l’avons plus que personne.
— Chacun sent le sien, Vionaz, chacun sent le sien. Eh ! si vous saviez ! les pauvres sont plus heureux qu’ils ne croient, allez ! de n’avoir pas tant de soucis…
— Pourtant, quand on manque de tout…
— Ah ! ne m’en parlez pas ! moi qui suis un bon homme, je puis bien le dire, ça me fait une peine !… Mais si on écoutait tous les besoins, voyez-vous, il s’en trouve tant par chez nous qui ont besoin de boire bouteille, qu’on finirait par laisser tout son bien aux mains des autres. Tenez, ma chère, ça me fend le cœur votre position, mais, pour le vrai, je n’y peux rien.
Il s’éloigna, suivi du regard haineux de la vieille femme.
— Il n’y peut rien, pas même me donner un batz, le vieux chien ! le juif ! le ladre ! Oui, je te plains, va ! s’il n’y avait que moi pour empêcher le nitou (le diable) de prendre ton âme, je n’en allongerais pas le doigt. Et dire que c’était autrefois un homme de rien, tout comme nous ! Ma foi ! sa fille peut bien être malheureuse ; il n’a pas volé ça, comme son bien.
Elle s’en allait ainsi, toujours pleurant et maudissant, vers Beausite, pendant que M. Grandvaux et Claire s’éloignaient du côté de Lausanne.
Ainsi que le recommande la loi, avant d’accueillir la demande du divorce, le juge fit des observations et