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UN DIVORCE

du tout, l’admirable fille, la belle femme d’autrefois, aux chairs satinées et roses, aux contours pleins et purs. Sa toilette aussi était négligée ; elle avait pris à la hâte un vieux chapeau ; sa robe, trop large et mal attachée, déformait sa taille…

Elle était belle encore cependant, et peut-être l’eût-elle paru davantage à d’autres yeux que ceux de Ferdinand. Mais en face des souvenirs qui venaient d’être évoqués, ce changement lui fut une déception, et il baissa les yeux avec embarras.

— Écoute, lui dit-elle tout à coup en se levant, le front haut et les yeux brillants, il y a des amants qui pour vivre ensemble fuient leur patrie. Pour garder nos enfants et la religion de notre foyer, fuyons, nous aussi. Dans un autre pays, nous trouverons l’oubli de toutes les choses qui nous faisaient mal ici ; nous y trouverons, je te le jure, s’il ne dépend que de moi, le bonheur. Nous recommencerons là une vie nouvelle.

Étonné d’abord, il sourit amèrement.

— Vous voilà bien, vous autres femmes ! Tous les rêves de votre cœur vous semblent possibles, et vous ne tenez compte d’aucune réalité. Réfléchis un peu, ma pauvre enfant : Crois-tu qu’on se refait si facilement une patrie ? Et avec quoi vivrions-nous là-bas ? Ton père m’arrache tout ce qu’il peut et va presque me ruiner. Je suis dans des embarras inextricables, dont malgré tout je triompherai, j’espère, précisément parce que je suis dans mon pays et que j’ai quelques amis. Mais rassembler péniblement les débris de ma fortune pour aller périr de misère là-bas !… car nous n’aurions pas même ta dot, que M. Grandvaux retiendrait… tu vois, ce sont des folies ; il ne faut pas songer à cela.

— Je tâcherais d’obtenir de mon père…