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Page:Léo - Un divorce, 1866.pdf/440

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UN DIVORCE

— Mais, monsieur, dit la servante avec un vif étonnement, elles sont à Beausite. Aujourd’hui, vous comprenez…

— J’ignore ce qui se passe à Beausite.

— Vous ne savez pas qu’on enterre aujourd’hui M. Grandvaux ? Naturellement, Mademoiselle et mademoiselle Mathilde sont allées tenir compagnie aux dames.

L’étranger sembla péniblement surpris de cette nouvelle. En descendant l’escalier :

— C’est toujours ainsi, dit-il ; toujours quelque annonce de mort frappe à son arrivée celui qui revient dans le pays après une longue absence.

— Il n’était point votre ami ? dit le jeune homme.

— Non, et sa perte éveille peu de regrets en moi. C’était une de ces énergies mal employées, capables de beaucoup de bien et qui font le mal. Comme presque tous, bon pour les siens, dur aux autres, et même ne donnant aux siens de satisfactions que selon lui. Cependant il sera pleuré par de tendres âmes.

— Mathilde ne l’aimait pas, reprit Dimitri.

— Non, répondit en souriant le vieillard, Mathilde n’est pas de celles qui pactisent avec les travers humains.

— C’est l’effet d’une grande force et d’une grande vertu.

— D’une force, oui ; mais vertu, dans notre langage, a pris le sens de force éprouvée, intelligente, qui sait en même temps qu’elle veut. Or Mathilde manque de cette indulgence, qui n’est pas de la faiblesse, mais l’intelligence supérieure des causes.

— L’indulgence devient facilement un abus, observa Dimitri.