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UN DIVORCE

— Je le sais ; aujourd’hui pourtant, dans la douleur qu’elle éprouve, elle regrette peut-être cette horrible chaîne. Mais je n’accuse ni ne juge ce qu’elle a fait. Quand l’imprévoyance et l’irréligion des hommes ont poussé jusqu’à l’extrême leurs conséquences, l’excès du mal arrive jusqu’à changer un nouveau mal en expédient de salut. Cependant le moyen de guérir un désordre est d’en attaquer la cause, non de l’aggraver.

— Mon père, dit Mathilde, votre conduite est une exception sublime ; mais elle ne peut servir de règle. Le plus sacré, le plus noble de tous les droits, la liberté, s’oppose à ce que le mariage soit indestructible.

— En effet, répondit M. Sargeaz, s’il n’y a point d’autres droits aussi sacrés que celui-là. Mais si l’homme n’est pas fait pour vivre seul, il existe pour lui, après qu’il s’est constitué dans sa force, par la liberté, un autre ordre de droits et de devoirs vis-à-vis de ses semblables.

Pour moi, Mathilde, tu sais que ma religion, celle que je regarde comme la seule possible dans l’avenir, consiste dans la recherche des lois naturelles, révélation incontestable et sûre de la pensée divine. Or, dans le mariage, l’individu peut-il encore être considéré comme s’il était seul ? Ils sont trois désormais : l’homme, la femme, et l’enfant, lien vivant, indivis, impartageable, qui rive ensemble les époux. Le mariage est une loi dont les hommes, pauvres sacriléges, ont voulu faire une institution. Si j’étais législateur, ma fille, j’inscrirais à ce chapitre un seul article dans le code humain :

« L’amour, ou mariage, étant d’institution divine, est naturellement indissoluble. La loi civile ne peut l’établir ; elle le constate ; soit en vertu de la libre déclaration