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UN DIVORCE

— Vous êtes folle ! Je ne sais ce que vous voulez dire, balbutia la Fonjallaz en pâlissant.

Mais elle sortit, et allant s’asseoir dans la cuisine, toute tremblante, elle se mit à pleurer, disant qu’on était bien injuste de l’accuser ainsi.

Vers trois heures, l’enfant se souleva et dit avec force :

— Maman ! maman !

Il passa ses bras autour du cou de sa mère, et, l’entraînant, il retomba.

Longtemps, ils restèrent dans cette attitude ; on crut qu’ils dormaient. Que fit pendant ce temps l’âme de la mère ? On ne sut. Mais quand elle sentit enfin autour de son cou les bras de l’enfant se raidir, elle se leva comme folle, et, d’une course désespérée, elle emporta jusqu’à Beausite le petit cadavre.

Tombée devant la porte en arrivant, on la mit au lit, mais sans pouvoir la détacher du corps de l’enfant. Les soins les plus assidus ne purent la calmer, ni les exhortations les plus touchantes lui arracher une parole. Anna et Camille ne la quittèrent pas d’un instant pendant trois nuits et trois jours. On essaya plusieurs fois, quand elle semblait assoupie, d’enlever le corps ; mais ses regards alors devenaient effrayants, ses muscles se contractaient, et l’on s’arrêtait, de peur en même temps d’arracher son âme. L’idée de la décomposition prochaine causait d’horribles craintes ; cependant, au bout de trois jours, les restes innocents étaient à peine altérés. Quand à la fin on crut devoir user de violence pour écarter les mains de Claire :

— Attendez ! leur dit-elle ; et, serrant plus fortement l’enfant sur son cœur, elle expira.

Camille est retourné en France et se voue à son art