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LA VIE DE JÉSUS

mal famées de Génésareth. Des femmes de mauvaise vie s’y trouvaient par douzaines, se vautrant sur les canapés-lits qui étaient les sièges de l’époque. Tout ce monde-là grouillait, vociférait, buvait et s’embrassait. C’était un spectacle de lupanar.

Quand Jésus et les apôtres parurent, ils furent accueillis par une explosion de cris de joie qui n’avaient rien d’humain.

Matthieu, spécialement, fut l’objet d’une ovation de la part des femmes. Elles se levèrent d’un bond, et, se prenant par les mains, dansèrent autour de lui une ronde folle en chantant :

Tiens ! voilà Matthieu !
Comment vas-tu, ma vieille ?
Tiens ! voilà Mathieu !
Tu n’es pas mort ?… Tant mieux !

On se rend facilement compte de ce que fut ce dîner : une véritable orgie.

Inviteurs et invités firent un tel charivari, que les voisins arrivèrent. On était au dessert, moment des grivoiseries. Chacun avait porté son toast. Jésus avait bu à la santé du petit Jean, son disciple bien-aimé.

À ce propos, des paris avaient été engagés.

Jean était si joli garçon et le Verbe le choyait tant, que quelques-uns des convives avaient émis l’idée que Jean étaient une fille. Au fait, il avait un visage imberbe, une physionomie extrêmement douce, des cheveux blonds bouclés, des yeux bleus au regard noyé de langueur. On aurait juré une jeunesse du beau sexe.

Quelques publicains, croyant à un travestissement, avaient embrassé le joli garçon, et celui-ci, timide à l’excès, rougissant, s’était laissé faire.

On discutait donc en riant, sur son sexe, lorsque les voisins entrèrent dans l’accubitoire[1]. Cette scène qui était remarquable par son débraillé, les scandalisa. Ils ne purent même s’empêcher de dire, en voyant Jésus qui criait plus fort que les autres et cassait les assiettes avec entrain :

— C’est honteux ! Un homme qui serait réellement docteur de la loi ne se galvauderait pas dans un pareil lieu et avec de pareilles fripouilles !

Sur quoi, Jésus, frappant un coup de poing sur la table, répliqua :

— De quoi ? de quoi ? des remontrances à Bibi ?… Ces messieurs sont scandalisés, voyez-vous ça !… Je vous demande un peu si nos affaires les regardent !…

— Pardon, riposta un pharisien, vous vous donnez comme un personnage public ; votre vie doit donc être connue de tout le monde. Or, nous constatons que vous passez votre belle exis-

  1. C’est ainsi qu’on appelait la grande salle à manger.