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LA VIE DE JÉSUS

deux poissons, qui étaient probablement des harengs saurs. Or, voici qu’entre les mains du grand rebouteur, les petits pains et les harengs saurs se multipliaient à l’infini. Quand il n’y en avait plus, il y en avait encore. Il continua donc la distribution jusqu’à ce que la foule, rassasiée, criât : — Assez ! assez !

Toutefois, comme il tenait à prouver que le don de miracle dont il était doué ne l’empêchait pas d’être économe, il ordonna de ne rien laisser perdre et de ramasser tout ce qui resterait de petits pains et de harengs saurs.

On lui obéit, et, quand chacun eut bien mangé à sa faim, on trouva encore, avec les reliefs de ce festin improvisé, à remplir douze vastes corbeilles.

Puis, les habitants de Bethsaïde et les pèlerins quittèrent le désert à la nuit tombante et s’en revinrent à la ville, au grand contentement des quelques citadins qui étaient restés et qui commençaient à s’inquiéter de cette émigration inattendue.

On causa longtemps en Galilée de ce miracle ; car il n’y a pas à dire non, c’était un miracle de première marque. Ce miracle même en contient à lui tout seul plusieurs, dont l’Évangile ne paraît pas s’apercevoir ; ce qui est fort dommage.

Premièrement, cette ville presque entière qui abandonne ses foyers pour aller entendre un monsieur prêcher au loin dans le désert, et qui ne songe pas à emporter de vivres, miracle !

Secondement, ces braves gens qui négligent de se munir de vivres et qui trimballent avec eux, à vide, douze grandes corbeilles à provisions, miracle encore !

Telle est, en somme, l’aventure de la multiplication des petits pains et des harengs saurs ; elle est bien plus miraculeuse que les chrétiens eux-mêmes ne le croient. (Matthieu, XIV, 13-21 ; Marc, VI, 30-44 ; Luc, IX, 10-17 ; Jean, VI, 1-15).

CHAPITRE XLI

PROMENADE À PIED SUR L’EAU

Nul ne sera étonné d’apprendre, je suppose, qu’après ce miracle, accompli devant une population entière, les Bethsaïdois méditèrent d’enlever Jésus de force et de le proclamer roi.

L’idée était toute naturelle. Les Bethsaïdois, très logiques, se disaient qu’un individu aussi puissant, placé à leur tête, leur vaudrait toutes les victoires imaginables, en commençant par l’expulsion des légions de l’occupation romaine.

Mais cette perspective ne souriait pas à Jésus. Le Verbe s’était fait chair pour parler à robinet ouvert, et non pour commander