dre l’Oint. Au fond, il n’était pas trop sûr que ce plancher liquide ne lui jouerait pas un mauvais tour. Demi-craintif, demi-confiant, il fit quelques pas en avant. D’abord, ses pieds foulèrent l’eau comme si ç’avait été du macadam ; mais, vlan ! survint une rafale, il prit le trac et commença à enfoncer. Quand il en eut jusqu’aux genoux, il craignit tout à fait pour sa peau et hurla :
— Maître, maître, sauvez-moi, j’enfonce !
— Tu te fais illusion, mon ami, repartit Jésus, qui était, lui, tout debout au-dessus de l’onde ; regarde comme c’est solide, ce terrain-ci.
— Mais non, maître ! Pour vous qui êtes le fils du pigeon, c’est un terrain excellent ; mais il n’en est pas de même pour moi qui ne suis qu’un simple apôtre… Encore cinq minutes, et je serai empêtré jusqu’au nombril… Tirez-moi de là, je vous en supplie ; c’est une mauvaise fumisterie que vous m’avez faite en m’autorisant à quitter la barque.
Jésus eut pitié du malheureux Pierre, qui barbottait comme un canard en détresse. Il lui tendit la main, le ramena à la surface, et lui dit en manière de gronderie amicale :
— Si tu avais eu tout à fait confiance en moi, mon vieux, tu n’aurais pas enfoncé du tout.
Et, l’un soutenant l’autre, ils regagnèrent la barque.
À peine Jésus y eut-il pénétré, que le vent tomba, et ils se trouvèrent à l’instant même à l’endroit précis où ils devaient aborder. (Matthieu, XIV, 22-23 ; Marc, VI, 45-52 ; Jean, VI, 16-21.)
Pour le coup, les apôtres ne doutèrent plus. Ils se jetèrent aux pieds de leur chef, qui les avait si bien tirés du péril, et ils lui dirent :
— Nom d’un rat ! vous êtes plus qu’un prophète. C’est bien le pigeon qui est votre papa !
CHAPITRE XLII
EXIL ET RETOUR EN GALILÉE
Vingt-quatre heures après ces événements, l’Oint prêchait dans la synagogue de Capharnaüm, en présence d’une grande affluence de public. Les gens de Bethsaïde eux-mêmes étaient là. Comme ils avaient constaté que la barque des apôtres était partie sans Jésus, ils avaient cherché le charpentier-rebouteur par monts et par vaux pour lui amener quelques malades, et, ne l’ayant pas trouvé, ils avaient été vivement intrigués.
Le télégraphe électrique n’existait pas encore à cette époque. Néanmoins, au dire de l’Évangile, les Bethsaïdois surent dans