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LA VIE DE JÉSUS

et, à un moment donné, avait demandé la petite en mariage. Marion avait beau jurer ses grands dieux que le pigeon était le seul coupable ; elle ne pouvait réussir à se faire croire.

Finalement, Anne et Joachim, navrés, se résignèrent à attendre les événements.

Ils avaient renoncé à l’espoir de marier jamais leur « galopine », lorsqu’un beau matin, ils virent arriver Joseph. Le charpentier se frottait les mains avec béatitude ; jamais on ne lui avait vu une figure aussi épanouie.

— Or çà ! fit-il, futur beau-papa et future belle-maman, êtes-vous toujours décidés à m’accepter pour gendre ?

— Ah bah ! exclamèrent les deux autres, mais c’est nous qui avons cru que vous ne vouliez plus de Marion depuis son petit accident !

— Oui, en effet, j’étais furieux, je ne m’en cache pas ; mais maintenant je sais tout…

Pour le coup, Anne et Joachim étaient plus ahuris que jamais.

— Quoi ! dit le père, vous savez tout maintenant, et c’est pour cela que vous voulez ?…

— Précisément.

— Nous avons mal entendu, sans doute.

— Je dis : précisément…

— Vous voulez rire… Joseph, ne plaisantez pas sur notre malheur !

— Je ne plaisante pas… Je sais tout, et je puis vous garantir que la petite ne nous a point trompés lorsqu’elle nous a affirmé que c’était le pigeon.

Anne et Joachim se regardèrent.

— Allez, vous n’avez pas besoin de vous regarder comme cela, avec des yeux de chat qui fait caca dans la braise… Je suis sûr de ce que j’avance à mon tour : c’est le pigeon !

— Dame, puisque vous y tenez aussi, murmura Joachim, je ne vois aucun inconvénient à ce que ce soit le pigeon… Au surplus, c’est votre affaire.

— Figurez-vous que cette nuit j’ai eu un songe… Un bel ange aux ailes d’or était assis familièrement sur ma descente de lit, les jambes croisées, et il me disait : « Joseph, sais-tu que tu es rudement godiche ?… Tu n’as qu’à étendre la main pour devenir le propriétaire d’un trésor, et tu ne remues seulement pas le petit doigt !… — Où ça, un trésor ? que je demandai à l’ange. — À deux pas de chez toi, dans ton village, à Nazareth même, quoi ! Ce trésor, c’est Marion, la fille au père Joachim, cette jolie brune à qui tu as été fiancé. — Oui, que je répliquai, et qui est enceinte de je ne sais pas qui ; tout le monde pense que c’est de Panther. Si Marion est un trésor, eh bien, ce n’est pas un trésor de vertu, toujours. — Joseph, tu te trompes. Panther n’y est pour rien, ni personne parmi les humains, Marion est vierge comme l’oiseau dans l’œuf ; l’enfant qu’elle porte dans son sein, mon vieux, c’est tout bê-