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LA VIE DE JÉSUS

Et lui et son caniche se prosternèrent devant le Christ.

Du haut de l’escalier du Temple, les sanhédrites avaient assisté à cette scène. On pense si leur rage s’en accrut. Quelques-uns descendirent, et, s’adressant à Jésus :

— Dites donc, firent-ils, guérisseur d’aveugles, est-ce que par hasard vous ne nous prendriez pas pour des sans-yeux, nous aussi ?

— Vous croyez voir, c’est votre affaire, répondit le fils du pigeon ; grand bien vous fasse !

Puis, se retournant vers l’ex-aveugle il lui dit :

— Ils vous ont flanqué à la porte de leur synagogue ; moi aussi. Au cas où cette mésaventure vous chagrinerait, consolez-vous en écoutant la petite parabole que voici :

Supposez une bergerie ; dans une bergerie, il y a des brebis, et, pour mener paître les brebis, il y a un berger. Que fait le berger quand il entre dans la bergerie pour aller chercher ses brebis ? Il entre par la porte. Au contraire, quand un voleur veut pénétrer dans une bergerie, ce n’est pas par la porte qu’il entre ; il sait très bien que le portier ne lui ouvrirait pas. Ce n’est pas fini ! Lorsque le berger veut mener paître ses brebis, il marche et les brebis le suivent, car elles connaissent sa voix. En revanche, si c’est un étranger qui veut les mener paître, toutes les brebis fichent le champ, vu que sa voix leur est totalement inconnue. Maintenant, voici ce que signifie ma parabole : Je suis la porte et la bergerie ; tous ceux qui pour pénétrer dans la bergerie n’y entrent pas en me traversant, tous ceux-là sont des voleurs ; en outre, tout en étant une porte de bergerie, je suis aussi un bon pasteur, celui qui n’a pas peur du loup, celui qui donne sa vie pour ses brebis.

L’ex-aveugle était dans le ravissement. Les gens qui étaient là, et qui avaient écouté l’apologue, causaient entre eux de tout ce qu’ils venaient de voir et d’entendre. Et les avis n’étaient pas unanimes. « Il est possédé du démon, il a perdu la boule, » disaient les uns ; et les autres répondaient : « Mais non ! ce n’est pas mal, ce qu’il dit ce bonhomme, il n’est pas si fou que ça ! et, s’il était possédé du démon, il n’ouvrirait pas si facilement les yeux aux aveugles de naissance. »

Mais Jésus, qui se souciait peu d’assister à la discussion dont il était l’objet, s’esquiva et même quitta Jérusalem, non sans avoir donné une bonne poignée de main à son ami l’ex-aveugle.

Comme je serais désolé si mes aimables lecteurs et mes charmantes lectrices pensaient, une minute, qu’en écrivant ce chapitre je me suis laissé aller aux caprices de mon imagination, je termine en indiquant la citation qui prouvera que je n’ai rien inventé. Lisez l’évangile de saint Jean, chapitre IX tout entier, et chapitre X, du verset 1 au verset 21. Quant au fait de la boue saliveuse, cause de tout le miracle, je citerai textuellement le passage qui y a trait, afin qu’il n’y ait aucun doute dans les