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LA VIE DE JÉSUS

sible de s’en faire une idée… Toute la journée à grogner… Un jeune homme ne pouvait pas passer sous mes fenêtres, sans qu’il cassât une lampe ou une soupière… Encore s’il avait racheté sa jalousie en me donnant de l’agrément !… Mais non ; le soir, quand je faisais la câline et que je lui disais : « Mon petit Pappus, viens-nous-en », il me répondait en m’expliquant des textes de la Bible ; sous prétexte qu’il était docteur de la Loi, il ne me parlait plus que par versets de Moïse ou de Jérémie… Et puis, pour varier sa conversation, il me racontait ce qui s’était discuté dans la journée au Sénat, puisqu’il était aussi sénateur… Vous voyez d’ici comme je m’amusais !…

— En effet, ce ne devait pas être drôle, murmura Marthe.

— Assommant, ma chère !

— Enfin, interrogea Lazare, comment vous êtes-vous quittés, puisque vous ne pouviez pas vous entendre ?

— Nous ne nous sommes pas quittés du tout ; c’est moi qui l’ai lâché… J’ai levé le pied un beau matin.

— Et pourquoi n’es-tu pas venue chercher une retraite chez nous, chère Marie ?

— Ah ! voilà… C’est qu’en route je me suis arrêtée sur les bords du lac… Connaissez-vous Magdala ?

— Non, mais j’ai entendu dire, fit Marthe, que c’était une fort jolie ville.

— Charmante… Et de beaux officiers romains !… Dieu ! qu’il y a de beaux officiers romains à Magdala !…

Lazare fronça légèrement le sourcil :

— Marie, Marie, est-ce que tu en pincerais pour l’uniforme ?

— Écoute, Lazare, je n’ai pas à faire des cachotteries avec toi… Eh bien, oui, j’aime les militaires…

— Les militaires ! Bigre, c’est beaucoup dire… Tu as don : pris un officier pour amant ?

— Un… d’abord… Il était gentil, gentil… Oh ! ce que j’ai aimé ce brigand-là !…

— Comment ! ce que tu as aimé ?… Aurais-tu pris un second amant, Marie ?

— Pourquoi te dirai-je que non, mon petit Lazare ?… Je ne sais pas mentir, moi !…

— Saperlote, tu vas bien !

— Et puis, j’en ai connu un troisième… Oh ! un uniforme, vois-tu, il n’en faut pas davantage pour me tourner la tête… C’est inouï ce qu’il y a de beaux officiers à Magdala !…

— Nom de nom ! je ne suis pas bégueule ; mais je trouve, Marie, que ta conduite n’est pas des plus correctes. Au moins, t’es-tu arrêtée à trois ?… Tu n’as pas été la maîtresse de toute la garnison, je présume ?

— De toute, non… Tu penses bien que Pappus m’avait guéri des vieux…

— Alors, les jeunes ?

— Oh ! les jeunes m’ont tous aimée ; j’ai gardé leurs portraits,