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LA VIE DE JÉSUS

— C’est que, Lazare, ce bel officier n’est pas un officier.

— Que me racontes-tu là encore ?

— J’ai lâché la garnison comme j’ai lâché Pappus.

— Diable ! et avec qui es-tu, à la fin des fins ?

— Avec un garçon adorable !…

— Ça, c’est entendu… Mais qui est-il ? Comment le nommes-tu ?

— Un nom mignon comme tout ! Il s’appelle Jésus…

— Jésus ?… Attends, je connais ce nom-là… On m’a parlé d’un nommé Jésus qui a fait du charivari dernièrement à Jérusalem, à la fête des Tentes, je crois… Serait-ce celui-là ?

— Précisément.

— Jésus, de Nazareth, charpentier en rupture d’établi ?

— Lui-même.

— Aïe ! aïe ! aïe ! Marie, je ne t’en adresse pas mes compliments… C’est un paroissien qui jouit d’une déplorable réputation… Il a, dit-on, tous les vices… Avec ça, il vagabonde, à la tête d’une bande de vauriens…

— Si l’on peut dire !… Pauvre Jésus, comme tu le calomnies ! On voit bien que tu n’en as entendu parler que par ses ennemis. Un homme si distingué ! de si belles manières !… Je voudrais que tu l’entendisses causer… Il vous empoigne son monde ! C’est vrai qu’il va de droite et de gauche, qu’il n’est jamais deux jours de file dans le même endroit ; mais où est le mal ?… S’il aime les voyages, cet homme !…

— Écoute, après tout, ça, c’est ton affaire… Moi, je te dis ce qu’on m’a raconté… Ce Jésus est peut-être tout le contraire de sa réputation… Je connais tes goûts luxueux… Il est évident que, s’il t’a charmée, c’est qu’il n’est pas un mendiant, comme on veut bien le faire croire… Il doit même être d’une générosité de grand seigneur, hein ?

— Oh ! pour ça, non, Lazare Le pauvre chéri, sous le rapport de la fortune, n’est pas bien doué ; la charpente ne l’a pas enrichi, et ses prédications ne lui rapportent rien… Et puis, moi, je ne suis pas une femme à m’attacher pour de l’argent à un homme… Dieu merci ! je suis au-dessus de cela… Jésus est pauvre, mais ce n’est pas cela qui m’empêchera jamais de l’aimer.

— Pourtant, s’il n’a aucune fortune et si son métier de conférencier populaire ne lui met pas un sou dans l’escarcelle, de quoi vit-il ?

— Je l’assiste de mes biens.

Lazare fit un bond en arrière : puis, s’écria :

— Tu l’entretiens ?… Mais, ma pauvre Marie, tu es folle de t’être entichée d’un pareil pistolet !… Il va te claquer tout ton saint-frusquin, le monsieur !

— Lazare, tu es bien sévère pour mon Jésus… Est-ce sa faute si, dans son état d’orateur ambulant, on ne gagne pas de quoi vivre ? Du reste, je ne suis pas seule à subvenir à ses dépenses.