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LA VIE DE JÉSUS

aveugles, tous les estropiés alors, de venir à la salle du festin, suivis de la foule des pauvres diables de la ville. Le dessert ne pouvant pas s’achever, tant l’appartement était plein, Jésus dit à l’oreille de son amphitryon :

— Vous devriez bien inviter tous ces gens-là à trinquer avec nous…

— Ah ! ça, vous n’y pensez pas !… Ce tas de meurt-de-faim ?… Ce serait du joli !…

Le Verbe, aussitôt, exprès pour vexer les convives, se met à faire l’éloge des pauvres et dit au maître de la maison qu’il aurait mieux fait d’inviter ces va-nu-pieds que ses parents et ses amis.

Les convives sont scandalisés. La foule en guenilles applaudit.

Là-dessus, Jésus y va de sa parabole :

— Un homme, dit-il, organisa un grand festin ; il lança beaucoup de lettres d’invitation. À l’heure du repas, ne voyant venir personne, il envoya ses serviteurs avertir les invités que tout était prêt et qu’on n’attendait plus qu’eux ; mais ils commencèrent à s’excuser tous en même temps. Le premier dit : « Désolé de ne pouvoir me rendre à cette aimable invitation ; j’ai acheté une métairie, et c’est justement aujourd’hui que je dois aller la voir. » Le second : « Impossible de venir, ma belle-mère est malade, et je l’aime trop pour quitter une minute son chevet. » Le troisième : « Je suis marié depuis six jours seulement ; vous comprenez que je suis encore très occupé. » Le quatrième : « Plaignez-moi ! J’ai avalé l’autre jour des noyaux de pêches ; j’ai l’œsophage obstrué ; je n’ai pas à songer à festoyer avant d’être totalement guéri. » Le cinquième : « C’est le jour de fête de ma concierge ; j’ai commandé un magnifique bouquet, et je tiens à le lui offrir moi-même. » Toutes les réponses étaient dans ce goût. Profondément mortifié, le maître de la maison dit à ses serviteurs : « Ah ! c’est comme cela ? Eh bien, comme je ne veux pas que mes sauces soient perdues, allez dans les places et aux coins des rues, allez dans les chemins et le long des haies, ramassez tous les estropiés, tous les mendiants, tous les infirmes, tous les mal-ficelés, et forcez-les d’entrer, afin d’emplir ma maison. »

Cette parabole n’était guère de circonstance, entre nous soit dit, puisque l’amphitryon, à qui elle s’adressait, n’avait essuyé le refus d’aucun de ses invités ; mais le Verbe n’aurait pas été le Verbe s’il n’avait pas dégoisé son speech, sauf à dire des bêtises, ainsi que cela lui arrivait les trois quarts du temps. (Luc, XIV, 1-24.)

Comme jolis préceptes enseignés par Jésus, il faut citer celui-ci qu’il formula devant une grande foule :

« Si quelqu’un vient à moi et ne hait pas son père et sa mère, sa femme et ses enfants, ses frères et ses sœurs, il ne peut être mon disciple. » (Luc, XIV, 26.)