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LA VIE DE JÉSUS

pas empêché Jérusalem d’être encore à cette heure une des villes les plus importantes de l’Asie-Mineure, et de compter actuellement plus de 45,000 habitants ; les Juifs y ont 72 synagogues, en cette année 1900. Il est plus logique de croire que Jésus, se trouvant dans un de ses rares quarts d’heure de lucidité, pleura en songeant à tous les désagréments qui allaient lui survenir par sa faute et dont ce triomphe grotesque était le prélude. — Mais il était trop tard pour reculer.

Les disciples furent un moment inquiets en entendant les lamentations de leur chef ; mais, baste ! ils étaient habitués à ses changements si brusques d’humeur, que leur trouble s’effaça bientôt.

On arriva enfin dans Jérusalem. Quelques bons gogos se joignirent à la manifestation, mais ne la rendirent pas plus imposante. L’âne baissait la tête, Jésus se hissait tant bien que mal sur son échafaudage de manteaux, et mettait tous ses soins à avoir l’air d’un triomphateur ; quelques braillards se dépouillèrent de leurs tuniques et les mirent par terre pour que l’âne du fils de David y posât ses pieds ; les apôtres hurlèrent de plus belle leurs cris séditieux. Malgré cela, ils n’obtenaient pas grand écho. On les regardait passer, on riait ; c’était piteux.

Des pharisiens, qui au fond n’étaient pas méchants, furent pris de compassion pour ce grand dadais de nazaréen qui se mettait bêtement dans un mauvais cas en voulant se donner de l’importance. Ils l’abordèrent avec l’intention de lui glisser un avis charitable.

— Rabbi, dirent-ils, réprimez donc vos disciples, empêchez-les donc de s’égosiller de la sorte, ils vous compromettent.

Mais Jésus, qui se grisait de ces quelques acclamations de commande, répondit :

— Eh ! laissez-les chanter à leur guise. S’ils se taisent, les pierres même crieront.

On voit que Jésus, en certains cas, n’avait pas besoin d’être tenté par Satan pour commettre le péché d’orgueil. Et il continua à travers les rues ce qu’il prenait pour son triomphe.

Tous les enthousiasmes ont une fin. Peu à peu, le cortège se dégarnit, les curieux s’en allèrent les premiers, les disciples ensuite, et les douze apôtres eux-mêmes ne tardèrent pas à s’émietter.

Lorsqu’il arriva au pied de la butte où se trouvait le Temple, Jésus était seul. Le fait est reconnu par les commentateurs catholiques.

« Entré seul dans la maison de Dieu[1], son cortège s’étant dispersé, Jésus la retrouva telle que trois ans auparavant : de nouveau, la cupidité l’avait emporté sur le respect ; les cages des colombes, les troupeaux de bœufs et de brebis, les tables

  1. La Vie de Jésus, par l’abbé Fouard, tome 2, page 210.