Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/279

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
277
LA VIE DE JÉSUS

n’existait pas encore. Il n’y avait que la place de cette ville féerique au sujet de laquelle on devait dire plus tard : « Voir Venise et mourir ! » Aussi, notre âne touriste, après avoir braqué sa lorgnette dans toutes les directions et vu qu’il ne voyait rien, reprit sa valise et son carton à chapeau et se dirigea vers Vérone.

Ce fut dans cette ville qu’il termina ses jours, entouré d’une grande vénération et accomplissant de grands miracles. De nos jours encore, on adore à Vérone les reliques du saint âne, lesquelles sont précieusement enchâssées à l’église Notre-Dame-des-Orgues. Deux fois par an, on promène en grande procession, par les rues, sa bienheureuse carcasse.

Un âne qui a le droit d’être jaloux de cette idolâtrie, c’est l’âne de la fuite en Égypte. Comme celui de Vérone, il a eu l’honneur de porter le Christ. Pourquoi donc des préférences en faveur de son collègue ? — Et l’on viendrait nous dire une fois de plus que Dieu est juste ?… Ah ! non, alors !

CHAPITRE LIV

DERNIÈRES PARABOLES ET DERNIÈRES MENACES

Pour être Dieu, messire Jésus n’en était pas moins homme ; nous savons qu’il avait deux natures à sa disposition.

La nuit passée à la belle étoile l’éreinta d’une jolie façon. Avec ça, il n’avait pas songé à manger durant cette journée où, triomphateur d’abord, il avait fini par s’esquiver. Les ovations peuvent griser, mais elles ne nourrissent pas : d’autre part, une venette coupe l’appétit, mais d’une manière provisoire ; la venette partie, reste la fringale, d’autant plus vive qu’elle s’est fait plus attendre.

Le lendemain donc de son triomphe si peu coûteux et en même temps si peu réussi (il en avait eu pour son argent), le Verbe sentit des tiraillements atroces d’estomac.

Il était en pleine campagne. Comment satisfaire sa faim ?

— Pierre ! Jacques ! André ! Jean ! Barthélémy ! cria-t-il. Les apôtres accoururent.

— Avez-vous apporté de Jérusalem quelques provisions de bouche ?

— Parfaitement, Seigneur.

— Fort bien, donnez-les moi,

— C’est que…

— C’est que… quoi ?

— Nous les avons mangées hier soir.