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LA VIE DE JÉSUS

servent nos délibérations, puisque le dit Jésus est toujours en liberté.

Il prononça ces paroles avec amertume.

— Nous ferions mieux de moins délibérer et d’agir davantage, appuya un vieux à la voix de crécelle.

— C’est vrai ! c’est vrai ! insistèrent quelques autres.

Caïphe, qui présidait en sa qualité de grand-prêtre de l’année courante, réclama un peu de silence.

— Messieurs, il est certain que l’action a des avantages ; mais elle doit être sagement réglée. Toutes les résolutions que nous avons prises prouvent notre constante préoccupation d’agir, de même que nos incessants ajournements de l’exécution des mesures résolues prouvent notre tolérance, notre mansuétude. Nous avons démontré victorieusement que nous étions des hommes généreux, sachant concilier leur devoir avec une large magnanimité. Aujourd’hui, notre patience est à bout ; le séditieux et impie Jésus en a plus qu’abusé. Nous allons prendre une décision irrévocable, qui, cette fois, ne sera soumise à aucun ajournement sous aucun prétexte.

— Très bien ! très bien ! fit l’assemblée à l’unanimité, sauf Nicodème, qui avait adopté l’abstention la plus complète comme ligne de conduite.

— Quelqu’un demande-t-il la parole ? interrogea le président Caïphe.

Un pharisien se leva.

— Parlez.

Après avoir toussé et craché, le pharisien entama son réquisitoire :

— Messieurs, il est de la dernière évidence que nous avons affaire à un agitateur des plus dangereux. Il a réussi, par ses extravagances, à se créer une phalange de sacripants et de naïfs, les uns attirés à lui par vice, les autres par bêtise. Coquins et nigauds forment ensemble une petite troupe qui est aujourd’hui un péril pour la tranquillité publique, mais qui certainement cessera de l’être dès qu’elle sera privée de son chef. Tous nos efforts doivent donc tendre à nous emparer du factieux d’une manière brusque, sans éveiller les soupçons de la bande. Une fois que nous le tiendrons, son compte sera vite réglé ; car il n’est crimes et délits prévus par nos lois que le drôle n’ait commis.

— C’est cela ! Parfait !

— Depuis les articles de notre code qui punissent les exploiteurs de la crédulité populaire disant la bonne aventure, jusqu’à ceux qui condamnent les séditieux coupables de tentatives d’embauchage, il a violé toutes nos lois. L’acte d’accusation à dresser contre lui sera facile à rédiger : réunions illicites avec port d’armes apparentes ou cachées, attroupements tumultueux, société secrète, manœuvres à l’intérieur tendant à troubler la paix publique, vagabondage, port d’insignes et de symboles destinés à propager l’esprit de rébellion, mendicité, actes de