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LA VIE DE JÉSUS

libre pour le service, tandis que les autres étaient garnis de lits assez larges pour recevoir trois convives.

Jésus arriva le soir, suivi des douze.

Les théologiens savent aussi très exactement dans quel ordre on s’installa autour de la table.

« Jésus, dit l’abbé Fouard, se plaça au milieu. Jean, couché à sa droite, n’avait qu’à renverser la tête pour reposer sur le sein du Maître. Pierre était donc à côté du bien-aimé, et Judas près de Jésus. »

L’Oint était donc entre Judas et le petit Jean.

Tin ! tin ! tin ! tin ! tin ! tin ! — Cette fois, l’heure était venue. Jésus était joyeux. Il savait fort bien qu’il allait passer par une série d’épreuves désagréables ; mais il pensait surtout au dîner d’abord.

— J’ai désiré d’un grand désir, dit-il, manger cette pâque avec vous, avant que de souffrir.

Et il prit allègrement la coupe, la remplit, y trempa ses lèvres et la fit circuler.

Les domestiques apportèrent le grand bassin plein d’eau, destiné aux ablutions. Jésus se leva.

— Non, fit-il, ce n’est pas les mains qu’il faut se laver.

— Mais si, observa un apôtre ; l’usage prescrit une ablution générale des mains.

— Eh bien, moi, je prescris une dérogation à l’usage.

Ce disant, il retroussa ses manches (quelques théologiens affirment même qu’il ôta son manteau et se mit nu jusqu’à la ceinture), prit un linge et apporta le bassin plein d’eau devant Pierre.

— Ah çà ! demanda Pierre, qu’est-ce que vous me voulez ?

— Laisse-toi faire ; je vais te laver les pieds.

— Me laver les pieds ?

— Oui, déchausse-toi.

Pierre retira ses sandales et exhiba une paire de ripatons noirs comme un billet de décès.

— Tu as les pieds joliment sales, dit Jésus ; ils ont besoin d’un nettoyage sérieux.

Cependant, Pierre retira ses pattes :

— Non, seigneur, murmura-t-il, je ne souffrirai pas que vous vous humiliiez à m’enlever ma crasse… Jamais, non, jamais !

— Allons, finis donc tes manières… Tu ne sais pas en ce moment ce que je veux faire ; laisse-moi agir à ma guise, je t’en prie.

— Non, non, et non !

Pour vaincre sa résistance, Jésus dit alors à Simon-Caillou :

— Tant-pis pour toi !… Si tu ne veux pas te laisser laver les pieds par moi, tu n’auras pas de place au ciel quand tu seras mort.

— Bigre ! s’écria le vieux Pierre. Alors, je ne m’y oppose plus. Lavez-moi, non seulement les pieds, mais encore les mains et la tête.