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LA VIE DE JÉSUS

je prends avec moi Pierre, Jacques et Jean, pour me tenir compagnie.

Les trois apôtres, ainsi désignés, quittèrent leurs camarades et vinrent avec lui.

À cet instant, — les évangélistes sont d’accord sur ce point, — Jésus sentit une angoisse pareille aux frissons de l’agonie.

Il dit à Pierre, Jacques et Jean :

— Je ne sais pas ce que j’ai, je me sens bien mal à mon aise…

— C’est peut-être la digestion qui ne se fait pas, observa Pierre.

— Non, je vois ce que c’est…

— Quoi alors, Seigneur ?

— C’est que mon heure est tout à fait venue, cette fois-ci… Sapristi ! que cela va donc mal !…

— Patron, pouvons-nous vous soulager ?

— Mes amis, je vous annonce que mon père va me faire servir par un de ses anges une coupe dont le contenu sera bien amer. Tout ce que vous pouvez pour moi, c’est d’en boire un peu… Mais, n’y songeons pas… La coupe des douleurs est pour le moment réservée à moi seul…

En disant cela, il était triste comme un bonnet de nuit.

C’est l’Évangile qui l’affirme :

« Jamais ses disciples n’avaient vu en lui pareille tristesse ; l’effroi, l’abattement, une sorte de stupeur s’étaient emparés de son âme. » (Marc, XIV, 33.)

Cette description aurait pu être remplacée par ces mots :

« Il avait un trac abominable. »

Il arrêta ses compagnons.

— Mon âme, murmura-t-il, est triste jusqu’à la mort : demeurez ici, veillez et priez.

Puis, s’étant éloigné de la longueur d’un jet de pierre (Luc, XXII, 41), il se mit à genoux et se prosterna la face contre terre.

— Ô mon père, mon père ! cria-t-il au papa Sabaoth, je crois qu’en acceptant de venir me faire escoffier sur terre, j’ai trop présumé de mes forces. J’ai voulu m’offrir une passion, un supplice agrémenté de quelques horions ; mais, maintenant qu’il s’agit de subir ce supplice, cette passion, je voudrais bien être resté au ciel et ne jamais m’être fait incarner par mon copain le Saint-Esprit.

Un ange descendit du ciel, apportant le calice d’amertume. Jésus poussa un soupir de désespoir.

— Voyons, fit l’ange, c’est toi qui l’as voulu ; personne ne t’obligeait à te fourrer dans la peau d’un homme pour y éprouver les désagréments que tu sais. À présent, toutes ces douleurs que tu vas endurer sont inscrites sur le livre du destin. Impossible de t’y soustraire.

— Ô mon père, mon père ! parce que j’ai été si godiche, ce n’est pas une raison pour que vous n’ayez pas pitié de moi !…