Aller au contenu

Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/325

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
323
LA VIE DE JÉSUS

repoussons toute solidarité à l’égard des actes de ce chenapan. Après quoi, nous l’enverrons au gouverneur Ponce-Pilate, qui lui réglera son affaire.

Le second interrogatoire de Jésus n’offrit donc pas grand intérêt.

On lui demanda s’il était le Christ, c’est-à-dire s’il se prétendait oint par Dieu pour être le Messie qui devait délivrer les Juifs.

— Si tu es le Christ, dis-le-nous, fit Caïphe.

Jésus, en qui ne fonctionnait pas à ce moment la nature divine et qui cherchait à esquiver une condamnation, ne répondit ni oui ni non.

— Si je vous dis que je suis le Christ, murmura-t-il, vous ne me croirez pas, et si je vous pose à mon tour des questions, vous ne me répondrez pas et vous ne me laisserez point aller.

— Puisqu’il se renferme de parti-pris dans des réponses équivoques, commanda Caïphe, qu’on le conduise chez Ponce-Pilate.

Le capitaine des gardes transmit cet ordre à ses hommes qui l’exécutèrent aussitôt.

Pendant ce temps-là, qu’était devenu Judas ?

Après avoir conduit les soldats au jardin de Gethsémani, il suivit de loin l’escorte jusqu’au palais des grands-prêtres. Il se fit tenir au courant de ce qui se passait. Puis, le remords le prit ; il était temps !

Ses trente-sept francs cinquante lui pesèrent comme s’ils eussent été en monnaie de plomb.

Il réfléchit que l’inconduite, le manque de probité et tous les autres vices de Jésus n’enlevaient pas à sa trahison ce qu’elle avait d’odieux.

Il se rendit en grande vitesse auprès des princes des prêtres, avec son argent dont il n’avait pas dépensé un centime.

— Qu’y a-t-il pour votre service ? lui demanda-t-on. Trouvez-vous que vous n’avez pas été assez payé ?

— Mais non ! mais non ! Au contraire, je viens vous rendre vos trente-sept francs cinquante. Je n’en veux plus.

— Tiens ! vous êtes étrange. Il y a deux jours, vous chicaniez pour avoir quelques deniers de plus, et maintenant vous trouvez que vous en avez de trop !…

— Reprenez votre argent, criait Judas ; il me brûle les mains. Jésus, en somme, n’est pas aussi coupable que je croyais. C’est un innocent que j’ai livré ! C’est moi qui suis un gredin ! Reprenez votre quibus !

Les princes des prêtres se consultèrent du regard.

— Ma foi ! dit l’un, vous vous y prenez beaucoup trop tard… Jésus est en train de se faire condamner de lui-même… Il blasphème à jet continu… Votre argent est bien gagné, gardez-le.

— Mais je vous dis que non !

— Et puis cela embrouillerait notre comptabilité… Nous regrettons beaucoup de ne pas vous être agréables dans cette