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Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/44

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LA VIE DE JÉSUS

Quand le soleil parut à l’horizon, la sainte famille était déjà loin de Bethléem.

On chemina toute la journée.

Sur le soir, à la tombée de la nuit, des hommes de mauvaise mine entourèrent les émigrants.

— La bourse ou la vie ! cria le chef de la bande.

Marie n’avait pas dit à Joseph qu’elle emportait une cassette pleine de l’or du roi mage.

Aussi, Joseph, à la sommation du brigand, répondit avec une ingénuité parfaite :

— Mes bons messieurs, vous vous trompez du tout au tout à notre propos. Nous ne sommes pas de riches voyageurs, comme vous paraissez le croire. Je suis, pour ma part, un malheureux charpentier, et je quitte très pauvrement mon pays. Je n’ai pour toute fortune que ma scie et mon rabot. Mademoiselle que vous voyez là est ma femme, et le petit n’est autre que le Messie promis aux Juifs par les prophètes.

Le bandit, à ce qu’il paraît, avait lu les prophéties, et même il y croyait.

Il se jeta aux genoux de la maman-pucelle et la pria de l’excuser pour son procédé un peu trop sans-façon.

— Madame ou mademoiselle, fit-il, je me nomme Dimas. Je suis voleur par profession, mais cela ne m’empêche pas d’avoir de bons sentiments. Je vous demande pardon de vous avoir arrêtée, et, pour la peur que ma bande vous a dû causer, je vous prie d’accepter l’hospitalité chez moi cette nuit. J’ai un enfant, moi aussi ; le pauvre chéri est malade. Venez à la maison ; vous trouverez un bon gîte ; et puisque votre moutard est le Messie, votre séjour chez moi me portera bonheur.

— Que penses-tu de cette offre ? demanda Joseph à Marie ; elle me semble faite de bon cœur. Au surplus, il risque de pleuvoir. Il ne serait pas honnête de laisser pincer un rhume au divin moutard dont Jéhovah nous a confié le dépôt.

— Il y a des honnêtes gens, même chez les voleurs, répondit la Vierge ; acceptons donc l’hospitalité qu’il nous offre[1].

Dimas était heureux de l’honneur que lui faisait la mère de son Dieu. Il conduisit la sainte famille à sa demeure et les reçut de son mieux.

La légende chrétienne ne nous a pas conservé d’autre incident de ce départ pour l’Égypte. La première nuit de déménagement du ménage Joseph fut passée chez le larron Dimas, que nous retrouverons plus tard, vers la fin de ce récit. Le lendemain, quand Jésus quitta le toit hospitalier du voleur, l’enfant malade était guéri.

Bien plus, en ce logis, se trouvait une fontaine où Marie lava

  1. En réalité, Marie et Joseph n’avaient guère le droit de poser pour l’honnêteté. Ils venaient eux-mêmes de filouter l’âne de l’étable de Bethléem et ne pouvaient pas rougir de se trouver dans la société d’un voleur de profession.