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LA VIE DE JÉSUS

vagabonds avec qui ils avaient lié connaissance en venant à Jérusalem.

La raison de cet esclandre n’était pas mal trouvée.

Entre nous, ce n’était qu’un prétexte, et voici le motif de mon opinion là-dessus : — Jésus était dieu, je ne le conteste pas ; en sa qualité de dieu, il lisait dans l’avenir ; lisant dans l’avenir, il savait que les prêtres chrétiens établiraient des bazars d’articles de piété aux portes de leurs églises, tout comme les prêtres juifs aux portes de leur Temple. En sa qualité de dieu, Jésus vit encore et il est tout-puissant, cela est indéniable ; vivant encore, il voit que les prêtres chrétiens d’aujourd’hui sont aussi commerçants que les prêtres juifs d’autrefois ; étant tout-puissant, s’il ne pulvérise pas les vendeurs de chapelets et de cierges qui encombrent les vestibules des églises catholiques, c’est qu’il juge que le commerce ne souille pas sa maison divine. Par conséquent, vu la divinité de Jésus, vu sa prescience, vu son éternité, vu sa toute-puissance, il est certain que le fils du pigeon a joué une petite comédie en bousculant à Jérusalem les marchands du Temple, sous prétexte que le commerce des articles de piété ne doit pas se faire dans un lieu sacré.

La vérité doit être que Jésus a tenu à se faire remarquer dans la capitale de la Judée, tout en procurant à bon marché à ses disciples argent et victuailles.

Quand la foule fut un peu revenue de sa surprise, quelques-uns interpellèrent le turbulent vagabond et lui demandèrent pourquoi il agissait de la sorte.

— Ah çà ! répondit le Christ avec orgueil, est-ce que j’ai des comptes à vous rendre ? Je suis le Messie, sacrebleu !

— Le Messie ? dirent-ils en ouvrant un large bec. Et comment pourriez-vous prouver ce que vous avancez ?

— Oh ! rien n’est plus simple. Vous n’avez qu’à démolir ce temple, et je me charge de le rebâtir en trois jours.

— Quoi ! s’écrièrent les Juifs, ce temple a coûté quarante-six ans à construire, et vous le réédifieriez en trois jours ! Pour qui nous prenez-vous ?

— Je l’ai dit, riposta Jésus, je ne m’en dédis pas. Qui tient le pari ?

Cette fois, un silence général accueillit les paroles du Christ. Le Verbe était triomphant, et cela ne lui coûtait aucun miracle. On pense bien que, pour le plaisir de tenir un pari, les personnes assistant à cette scène n’allaient pas entreprendre la démolition du temple. D’abord, ils n’avaient pas sous la main les outils nécessaires. Ensuite, c’était commettre un délit que renverser un monument public.

Quant aux changeurs et aux marchands de moutons, ils avaient bien autre chose à faire qu’à discuter la valeur des calembredaines du bonhomme : les uns ramassaient leurs écus roulés à terre, les autres tâchaient de rattraper leurs bestiaux enfuis dans toutes les directions.