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LA VIE DE JÉSUS

— Ma parole !

— En vérité, en vérité, je vous le dis, je n’avance rien que je ne sache et que je ne sois prêt à prouver. Ce que je vous affirme, je l’ai vu ; et cependant vous restez là, bouche béante, comme si je vous racontais des histoires extraordinaires. Mais, si vous ne me croyez point quand je vous parle d’eau et de souffle, c’est-à-dire des choses de la terre, comment me croirez-vous quand je vous parlerai des choses du ciel ? Aussi, personne n’est monté au ciel que celui qui est descendu du ciel, à savoir le Fils de l’Homme qui est dans le ciel. Suivez bien mon raisonnement. De même que Moïse a élevé dans le désert un serpent d’airain… Vous y êtes, n’est-ce pas ?

— Allez toujours.

— Eh bien ! de même il faut que le Fils de l’Homme soit élevé en haut…

— Mais je ne vois pas quel rapport…

— Afin que tout homme qui croit en lui ne périsse point, mais ait la vie éternelle. Et voyez, mon cher ami, Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique… Cela vous épate ? et pourtant cela est ainsi. Or, si Dieu a envoyé son Fils dans le monde, ce n’est pas pour juger le monde, comme vous pourriez vous l’imaginer ; c’est afin que le monde soit sauvé par lui. Tout cela, c’est pour vous dire que le Fils de Dieu, c’est… quelqu’un dont vous ne vous doutez pas.

Cet entretien charentonnesque est rapporté tout au long dans l’Évangile (Jean, chap. III, versets 1-21). Notez, chers lecteurs, que j’en passe ; car je n’ai pas envie de vous rendre comme Nicodème au sortir de chez le Verbe.

Ah ! le malheureux sénateur ! C’est pour le coup qu’il allait être plongé de plus belle dans l’océan de la perplexité.

Lui, que Jean-Baptiste avait réussi à intriguer, il s’était frotté au fils de Marie !… Or, Baptiste n’était qu’un apprenti blagueur auprès de son cousin.

Nulle part, nous ne voyons dans l’Évangile, que Jean le précurseur ait été le moins du monde éloquent. Tandis que Jésus, c’était une autre affaire ! S’il ne s’exprimait pas toujours dans un langage sensé, du moins il tenait sans peine son robinet ouvert pendant de longues heures : il avait l’élocution facile, monsieur le Verbe ; quand il disait des bêtises, il en disait beaucoup.

Cet infortuné Nicodème eut, pendant plusieurs jours, la tête pleine des phrases incohérentes que lui avait débitées le divin moulin à paroles.

Quand il retourna chez lui, les oreilles lui tintaient ; il lui semblait entendre un interminable bourdonnement.

En résumé, il avait voulu jouer au plus fin, et cela ne lui avait pas réussi. Il rentrait à son domicile Gros-Jean comme devant, se demandant plus que jamais :

— Y a-t-il un Messie ? N’y en a-t-il pas ? Est-ce Jean-Bap-