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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/102

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LES TROIS COCUS

d’hôtel, je l’ai amené ici… Nous lui donnerons l’hospitalité sous notre toit, n’est-ce pas, Irlande ?

— Nous le soignerons, Scholastique.

On fit du thé à Philéas, et on lui prépara une chambre.

Irlande et Scholastique étaient deux sœurs jumelles, aussi demoiselles l’une que l’autre, malgré leur grand âge. Leur mère, Mme Duverpin, avait perdu son mari, le père des deux dévotes, s’était remariée avec un notaire, M. Mortier, qui fut le père du président que nous connaissons. Mlle Daverpin étaient donc, par leur mère, les sœurs aînées de l’époux de Marthe. Le frère et les deux sœurs ne se voyaient que très rarement. — Irlande et Scholastique vivaient seules, sans domestique, vaquant ensemble aux soins de leur ménagé.

Scholastique céda sa chambre au prêtre polonais et coucha pour cette nuit avec sa sœur Irlande.

Le lendemain matin, Philéas était tout à fait dégrisé. Il se remémora tant bien que mal les événements, relut avec soin les papiers du précieux portefeuille, et se traça un plan.

Il n’était pas bête du tout, le pompier.

À neuf heures, on frappa timidement à la porte de sa chambre, et une voix dit :

— Monsieur l’abbé est-il levé ?

— Oui, chère dame… je vous prie de m’excuser… Dans un moment je suis t’à vous…

Irlande fit remarquer à sa sœur que l’abbé lâchait des cuirs en parlant.

— C’est vrai, répondit Scholastique, mais c’est beau, pour un Polonais, de s’exprimer en français, même avec des cuirs.

— Nous sommes joliment arriérés en France, nous autres… Nous ne savons pas deux mots de polonais.

L’abbé daigna se montrer.

De quelle fête il fut l’objet, point n’est besoin de le dire.

On lui avait préparé un premier déjeuner étonnant : du chocolat au lait, archi-sucré, avec des croissants au beurre. Philéas n’en revenait pas.

Puis, ce fut le tour des interrogations. Rien n’est curieux comme une dévoie, si ce n’est deux dévotes. Heureusement, Philéas avait la langue assez bien pendue et l’imagination assez vive

À vrai dire, il ne savait guère ce que c’était que la Pologne. Il avait entendu raconter que ce pays était vis-à-vis de la Russie ce que l’Alsace-Lorraine est vis-à-vis de l’Allemagne, c’est-à-dire un pays annexé de vive force.