Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/128

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
LES TROIS COCUS

— Compris.

Nos deux chasseurs chargèrent leurs fusils comme il fallait pour un gibier de cette importance, et tirèrent. Le caïman poussa un cri de douleur, mais il n’abandonna pas le siège de l’eucalyptus. C’était un crocodile têtu.

— Eh ! eh ! mon gros père, dit Robert, il paraît que nous t’avons touché, mais pas assez bien ; ça est entré, seulement il y a meilleur tir à faire.

Pif ! paf ! À la seconde décharge, messer Crocodilus fit entendre un hurlement lamentable, et ce fut tout. L’affreuse bête était morte.

— Voilà un drôle de pélican ! conclut Mme Chandler.

Les deux chasseurs descendirent de leur arbre. Tout danger était passé ; mais ils n’étaient plus d’humeur à reprendre la conversation interrompue par l’arrivée du caïman. Un confrère aurait fort bien pu sortir à son tour de la traîtresse rivière.

Ils retournèrent donc à la ville.

Le lendemain, une petite troupe de nègres vint enlever le crocodile mort que Robert rapporta à Londres.

Le lecteur s’explique maintenant pourquoi, à la vue de la présidente, Laripette s’était écrié : « Madame Chandler ! » et pourquoi la présidente l’avait supplié de ne pas ajouter un mot. Quoique n’ayant jamais croqué ensemble la pomme — et l’on a vu qu’il s’en était fallu de peu — Mme Mortier et le locataire de l’entresol se connaissaient.

Robert, quand il fut remis de sa surprise, se dit en lui-même :

— Veinard que je suis !… Elle est la crème des bonnes filles, cette chère Marthe… Elle n’est ni bête, ni laide, tant s’en faut… Voilà mon numéro 3.

La présidente lui prit les mains :

— Monsieur Robert, jurez-moi que vous ne venez pas ici en ennemi !

— Moi ! en ennemi !… Pourquoi cela ?

— Je ne sais pas… j’ai cru… Vous avez dit que vous vouliez quand même parler à M. Mortier, et ce pour une affaire d’extrême importance… J’ai pensé que vous m’aviez vue ces jours-ci et que vous vouliez révéler au président qu’il n’est pas actuellement mon seul mari…

— Rassurez-vous, madame ; je suis venu ici pour plaider contre le propriétaire de cet immeuble et convaincre M. le président que je ne suis pas un voisin plus désagréable qu’un autre. Mais, puisque j’ai le plaisir de vous rencontrer, je vous jure que vous pouvez compter sur ma discrétion…