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LES TROIS COCUS

C’était bien, en réalité, un rendez-vous. Robert n’avait pas perdu son temps. L’avant-veille, il avait vu Mme Paincuit pour la première fois, et l’on sait que le soir les esprits frappeurs avaient dit : Demain. Ce demain-là avait été, paraît-il, bien employé, puisque le jour qui le suivait voyait une promenade en fiacre.

Que fit-on dans ce véhicule ? — On baissa les stores, pour ne pas effaroucher les passants, et l’on s’embrassa de la jolie façon, ha cosmographie autorise ces privautés.

Un instant, la voiture s’arrêta. On était arrivé au no 25 de la rue Bonaparte.

Robert ouvrit la portière et sauta sur le trottoir.

— J’en ai à peine pour quelques minutes, dit-il à Gilda, le temps de monter, de dire deux mots à Me  Bredouillard et de redescendre.

Gilda resta donc dans le fiacre.

Mais, à peine Laripette vient-il de s’engager dans la grande allée de la maison, que le plumassier Paincuit paraît à l’extrémité du trottoir.

Est-ce bien lui ?… Oui, c’est lui, à n’en pas douter… Gilda reconnaît parfaitement Néostère qui s’avance, calme, majestueux, la bedaine tendue en avant… Mais où va-t-il ? Est-il besoin de le demander ?… Il se rend, lui aussi, chez son ami Bredouillard… Gilda se tapit de son mieux au fond du sapin… Elle réussit à ne pas être vue ; M. Paincuit s’est arrêté une seconde, n’a jeté qu’un coup d’œil distrait sur le fiacre, et, à son tour, est entré au no 25.

Alors, elle se livre à une série de réllexions.

Tout danger est-il passé ?… Non… Il est certain que Néostère et Robert vont se rencontrer chez Bredouillard… Elle est payée pour connaître le plumassier : elle sait à quel point il est crampon.

Il va s’attacher à Laripette, il descendra avec lui, Robert ne pourra s’en débarrasser, ils arriveront tous les deux à la voiture : si Robert veut passer outre, en entraînant le plumassier, le cocher s’imaginera qu’on veut le filouter et protestera ; de quelque manière qu’il s’y prenne, Laripette sera obligé de venir avec le mari au fiacre qui recèle l’épouse coupable, et le pot-aux-roses sera découvert.

Comment s’en tirer ?

Gilda constate que le cocher vient de quitter son siège pour aller siffler vis-à-vis une goutte chez le marchand de vin. Elle ne fait ni une ni deux, quitte prestement la voiture, et s’en va en rasant les boutiques. Sa partie de plaisir est sacrifiée, mais M. Paincuit ne se doutera de rien. Quant