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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/32

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LES TROIS COCUS

À ce jeu-là, il fit une consommation effrayante de billets de première au profit de la Compagnie P.-L.-M., et nous n’étonnerons personne en disant qu’il ne tarda pas à trouver la mort dans un accident, cette compagnie étant renommée à juste titre pour ses déraillements, explosions de locomotives, tamponnages, rencontres de trains, etc.

Ce décès valut à Pauline un héritage qui, augmenté de l’indemnité à laquelle le chemin de fer fut condamné, porta à vingt-cinq mille francs les revenus annuels du ménage Campistron.

Le mariage avait été pour Pauline une cruelle illusion dont elle fut promptement désabusée. Elle s’était laissé séduire par l’éclat d’un pantalon rouge, et n’avait pas tardé à reconnaître que la gloire militaire est une fumée trompeuse.

Combien de femmes sont dans ce cas-là ! Que de demoiselles de famille, qui ont tout pour elles, jeunesse, beauté, fortune, dédaignent la redingote civile, qu’elles trouvent trop vulgaire, pour s’accrocher à l’uniforme d’un brillant officier ? Et le grade supérieur donc, c’est cela qui tourne facilement la tête aux jeunes filles élevées dans un couvent quelconque du Sacré-Cœur. Être la femme d’un commandant, d’un colonel, quel rêve ! Ces fils de Mars vous ont de tels airs vainqueurs que mesdemoiselles s’imaginent des choses, des choses !… Quelle désillusion le lendemain de la noce !… Madame la nouvelle mariée s’aperçoit alors que le proverbe « promettre et tenir sont deux » est un dicton rigoureusement vrai ; mais il est trop tard.

Tel était le cas de Pauline. Élevée au pensionnat du Saint-Nom-de-Jésus, elle avait eu, dès quinze ans, la tête farcie d’un tas de frivolités et de gaillardises comme on n’en apprend que dans les couvents de religieuses.

Les chants mystiques de la chapelle et les romans apportés en cachette par les autres pensionnaires lui avaient fait désirer un rapide mariage avec quelque héros de grandes batailles.

Elle savait par cœur et tout au long le cantique de saint François de Sales :

Vive Jésus, vive sa force,
Vive son agréable amorce !

Vive Jésus, quand sa bonté
Me réduit dans la nudité !

Vive Jésus quand il m’appelle
Sa sœur, sa colombe, sa belle !