— Croyez, monsieur Robert, que je n’ai pas peur des tigrés.
— Ni moi non plus ! riposta Laripette.
Ils se regardèrent en riant,
— Vous êtes adorable, reprit le jeune docteur après un moment de silence.
— C’est, une déclaration ?
— Parbleu !
La colonelle pencha sa tête sur l’épaule du jeune homme. Robert prit cette tête dans ses mains et l’embrassa.
— Et vous, Robert, fit tout à coup Pauline, vous ne m’avez pas fait connaître votre état civil… Je sais bien votre nom, votre profession ; je sais que vous avez beaucoup voyagé…
Mais êtes-vous garçon ou marié ?
— Garçon.
— Vous n’avez jamais songé au mariage ?
— Pas encore.
— Allons donc !
— Je vous le jure,
— Vous avez bien eu cependant des maîtresses ?
— Oui, mais si fugitives !…
— Aucune n’a fixé votre cœur ?
— Aucune.
— C’est étrange. Charmant comme vous l’êtes, — je puis bien le dire, — vous avez dû faire pas mal de conquêtes… et vous ne campez encore sur aucun des terrains conquis ?
— Je n’ai pas de famille, pas d’ami, pas de maîtresse.
— Vous vivez absolument seul ?
— Non.
— Vous voyez bien que vous êtes attaché à quelqu’un. Elle se versa encore un verre de champagne et se rapprocha de lui.
— C’est vrai, j’ai quelqu’un qui m’aime, fit Robert.
Pauline pinça les lèvres avec une sorte de dépit.
— Quelqu’un ?… ou quelqu’une ?
— Quelqu’une.
La colonelle eut un mouvement d’impatience ; elle était nerveuse, l’ancienne petite pensionnaire du Saint-Nom-de-Jésus.
— Et comment l’appelez-vous, fit-elle en serrant les dents, celle qui vous aime ?
— Oh ! c’est une amitié qui est sincère, mais qui ne tire pourtant pas à conséquence…
— Mais enfin… son nom ?
— Pélagie.