Page:Léon Daudet – Alphonse Daudet.pdf/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
ALPHONSE DAUDET

intéressera vos confrères d’abord, le public ensuite, si vous avez la chance de trouver pour cadre un bout d’intrigue bien menée ».

— Mais, père, il doit être rare que le jeune homme t’écoute. Il te croit envieux de sa future gloire. Il a toute prête la réponse : « Vous-même, Monsieur, n’avez pas agi de cette manière et ne vous en êtes pas trop mal trouvé. »

Il sourit, réfléchit une seconde, secoue la cendre de sa pipe et répond : « Certains m’ont écouté. J’ai cité l’exemple de Baptiste Bonnet, de cette Vie d’enfant que suivront deux autres volumes, pareillement réussis, je l’espère. Bonnet s’est manifesté poète admirable, rien qu’à raconter ce qu’il avait eu devant les yeux, ses yeux de lyrique observant. Imagine ce qu’eût été de lui une ébauche de roman ou de poème en français, cette langue qu’il possède mal, sur un sujet qui ne viendrait pas de son cœur. Oui, Bonnet, et combien d’autres ! Le marchand de bonheur n’est pas un entêté. À ceux qui ont eu la joie des voyages, des séjours en pays étrangers, il demande le récit de leurs impressions. Profitez de la chance inestimable qui vous a rempli le cerveau de sons, de couleurs, d’odeurs nouvelles. Pauvre petit Boissière, mort aujourd’hui, dont le premier, le seul effort, Fumeur d’opium, annonçait un si grand talent ! Bonnetain aussi a su tirer parti de sa tra-