Page:Léon Daudet – Alphonse Daudet.pdf/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
187
NORD ET MIDI

chouc, le rire de Voltaire conservé par les frimas poméraniens. Il avait un culte pour Tolstoï, le Tolstoï de Guerre et Paix, d’Anna Karénine, des Souvenirs de Sébastopol et des Cosaques. La Sonate à Kreutzer le révoltait par certains endroits. Enfin, le néomysticisme de l’auteur et ses dernières œuvres évangéliques ne l’intéressaient pas du tout : « Tolstoï, disait-il, a, dans sa jeunesse, savouré de l’existence tout ce qu’elle a d’exquis, de luxueux, de brillant. Il a aimé la chasse, les mascarades, les courses en traîneaux, les jolies femmes, les amis, les arts. Maintenant il voudrait interdire aux autres ces plaisirs que la vieillesse lui refuse. Dans la conversion d’un septuagénaire, je me méfierai toujours du regret et de cette envie, oh ! très sourde, lointaine et retorse, mais tenace, qui se lit à travers les rides. »

La lecture de Crime et Châtiment avait été une Crise de son cerveau. Ce livre l’avait empêché d’écrire l’ouvrage qu’il projetait sur Lebiez et Barré et l’action, sur la jeunesse pauvre, des doctrines darwiniennes mal comprises. Cette déviation des formules dans les esprits, cette prolongation pratique des théories l’inquiétait et l’on doit à cette inquiétude : La Lutte pour la Vie, la Petite paroisse et le Soutien de famille. Pour revenir à Dostoïevsky, il n’estimait pas moins les Frères Karamazov et la Maison des morts, mais à la