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VIE ET LITTÉRATURE

l’acte. Il célébrait aussi les obscurs, les dévoués, les sacrifiés de la gloire, depuis Rossel « le Bonaparte à rebours », « sans étoile », dont le nom revient plus de cinquante fois dans les « petits cahiers », jusqu’à Raousset Boulbon, aux audacieux de Port-Breton, aux Icariens, à Blanqui, qu’a illustré notre Gustave Geffroy, au prodigieux Rimbaud, au marquis de Mores, à tous ceux qui nourrirent de vastes projets et pour qui « l’action (comme il le répétait, d’après la formule saisissante de Baudelaire), ne fut jamais la sœur du rêve ».

Ses tiroirs étaient remplis d’une multitude de brochures relatant les faits et gestes de ces errants, de ces imaginaires, de ces fuyards de la vie codifiée, qui se risquent sans espoir de retour, raillent et tentent la destinée, livrent leur chair en pâture aux corbeaux et à l’avenir, ouvrent des voies nouvelles, méprisent la mort. « Ce mépris de la mort, qui fait l’homme invincible », il le mettait au-dessus de tout. Il se passionnait pour les trappistes, qu’il avait fréquentés en Algérie, pour la légion étrangère, pour les abris de la révolte, de l’énergie inemployée, pour les vaillants, qui se trouvent à l’étroit, sans air respirable, dans nos sociétés contrefaites, et que l’orthopédie des lois rebute.

Cet enthousiasme conciliait deux faces de sa