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VIE ET LITTÉRATURE

clos caractères. On lui a reproché, fort puérilement, sa syntaxe brève et nerveuse, aussi proche du vrai que possible, puisque chaque mot nous dupe et fausse la durée.

Je n’ai oublié aucun des beaux préceptes qu’il appliquait scrupuleusement : « Qu’il s’agisse d’un livre ou d’un article, d’une création directe ou d’une critique, ne prends jamais la plume que si tu as quelque chose à dire. Si la furie littéraire continuait à se développer, il n’y aurait bientôt plus un Français qui ne préparât son volume. —

« Décors, idées, situations, personnages ne sont à point qu’après une gestation très lente, demi-instinctive, où toute la nature, en ses moindres spectacles, collabore avec l’écrivain. Nous sommes pareils à des femmes enceintes. Cela se voit même à nos visages. Nous avons le masque. —

« Le style est une intensité. Le plus de choses dans le moins de mots. Ne pas craindre de se répéter, selon le conseil de Pascal. Il n’y a pas de synonymes. —

« Aller toujours vers la clarté, vers la limpidité concise. Notre langue a ses lois morales. Quiconque s’y soustrait ne dure point. Notre langue est plus souple qu’aucune, intellectuelle autant que logique, plus serrée que déclamatoire, à reflets vifs et courts, à formes précises. Elle ne