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L’HEREDO.

La fresque de la Comédie Humaine, ombre portée de toute l’hérédité balzacienne, n’est en réalité qu’un combat de ces empreintes. Le retour, à travers des ouvrages différents, des mêmes héros et héroïnes, montre combien Balzac tenait à eux. Ils étaient, en effet, des morceaux animés de son pedigree. Sans doute quelques éléments de leur physique ou de leur moral étaient-ils empruntés à la réalité extérieure, à des contemporains vivants ou à des lectures : mais leur substance, mais leur texture, mais leur continuité, mais leur intensité venaient, à n’en pas douter, des transformations du moi de l’auteur, de ses métempsycoses congénitales. Ces figures inoubliables, de Marsay, le père Goriot, Vautrin, la duchesse de Maufrigneuse, Mme de Bauséant, Mme Evangelista, Mme Marneffe, le baron Hulot, Joseph Brideau, Marie de Verneuil, d’Arthez, Rastignac, Rubempré sont des marionnettes de la lignée de cet homme océan, à la grosse tête, aux yeux de feu, dont la puissance organique résumait un monde. Comme Shakespeare, un accumulateur. Comme Shakespeare, un de ces privilégiés, ou un de ces damnés — c’est, au point de vue humain,