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L’HEREDO.

qu’aux contacts différents de leurs siècles. Ajoutons-y, si vous voulez, dans le plateau shakespearien, le sens féerique que Balzac ne possédait pas et une certaine ellipse, gracieuse ou farouche, qui lui manquait aussi. Mais, sauf cela, que de ressemblances profondes, quelle ignorance en commun de la fatigue d’autrui, spectateur ou lecteur, quelle puissance hallucinatoire, quelle analogie de timbres, doux et voluptueux dans les voix féminines, durs et frénétiques dans les voix masculines, et quelle même façon de débrider l’instinct dans l’intelligence, puis l’intelligence dans l’instinct !

Similia similihas. Contraria conirariis. Les divers habitants du moi s’attirent et se repoussent par leurs affinités, comme par leurs contrastes. Shakespeare ou Balzac conçoit un avare, Shylock ou Grandet. Cela veut dire, d’après nous, qu’un avare de la lignée de Shakespeare ou de celle de Balzac est saisi par le faisceau lumineux de son imagination et transporté de là sur la scène ou dans le livre. Mais il suscite en même temps son antithèse, qui est la générosité, le don de soi, personnifié par la jeunesse amoureuse, par un hérédisme