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LE HÉROS ET SON CONTRAIRE.

d’idée, Jeanne et ses émules reconnaissent le Roi parmi ses courtisans, le principe parmi ses conséquences, l’essentiel parmi les accessoires, la réalité parmi ses apparences et vont au Roi. Car le soi cherche ses complémentaires et ses pairs. Là où le moi, tout empêtré, tout encombré de fantômes, titube, trébuche, s’égare, revient sur ses pas, se contredit, le soi affirme et va droit devant lui.

Parfois un d’entre nous, inquiet, angoissé, cherchant sa route, après bien des tergiversations, éprouve soudain, au centre de sa conscience, une illumination comparable à l’effraction, dans une cave obscure, d’un flot de lumière. Ceux qui ont éprouvé une seule fois cette puissante sensation ne l’oublieront plus jamais. Elle se produit en général sans cause extérieure apparente, sans que se soit modifiée la conjoncture qui faisait notre perplexité, notre appréhension. Le malaise cesse. Le sentiment de la liberté, de la certitude nous emplit et nous anime. En même temps que notre poitrine est soulagée d’un poids si lourd, une hiérarchie spontanée s’opère dans notre esprit, qui met l’objet de notre peine à sa place, à son plan et, le désindividualisant,