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LE HÉROS ET SON CONTRAIRE.

qui sont les tics de l’intelligence, de ces engouements qui sont la grimace du vrai. Il domine ses sujets d’étude. Si loin qu’il pousse l’analyse psychologique, il sait échapper à l’acuité confuse. L’équilibre physique paraît avoir été, chez lui, aussi remarquable que l’équilibre moral. On sait qu’il avait en horreur l’anarchie, la brutalité et la rébellion. Mais la ligne générale de son œuvre décèle en lui un ami de la violence utile et raisonnée, celle qui empêche de grands désordres. Car beaucoup trop de gens, je le répète, confondent la sagesse et l’apathie, la sérénité et l’acceptation, la bienveillance et la peur, ou font des distinctions arbitraires entre la pensée et l’action. Il faut savoir penser son acte et agir sa pensée.

On a comparé Gœthe et Frédéric Mistral. Ce suprême Latin est, lui aussi, un héros au sens défini en tête de ce chapitre, et d’une essence, à mon avis, plus rare encore. Il a cherché à préserver son peuple et son langage — par là même le langage français, dont le provençal est une racine — des injures du temps et des méfaits des mauvaises institutions. Cette vie sereine et pure, dans le petit village de Maillane, fut une longue et glorieuse lutte