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DANS LES PROFONDEURS DU SOI.

titative, qui va en décroissant de l’initiative créatrice vers l’équilibre par la raison. Chaque soi échappe à la durée, en ce sens que la durée ne peut l’anéantir ; mais, avec les années, les éléments du soi se modifient et se répartissent différemment, l’initiative créatrice diminuant au bénéfice du tonus du vouloir, lequel diminue lui-même au bénéfice de la sagesse. Chaque soi porte jugement sur son moi, peut admonester, brider, réformer son moi. Chaque soi peut choisir des ancêtres sages et bienfaisants et chercher le vrai en leur compagnie, mais il peut aussi improviser et puiser directement dans la nature les termes de son improvisation. Examinons successivement ces différents points.

Tous les écrivains, artistes, philosophes et la plupart des hommes d’action sont unanimes à constater que, dans l’être vieillissant, quelque chose ne vieillit pas. Ce quelque chose, qui se répartit autrement, mais qui ne saurait s’amoindrir, est le soi. Mon père, dont l’introspection était suraiguë et souvent foudroyante, me le répétait souvent : « Qu’est-ce que cet immuable de nous-même, cet inaltérable, qui s’impose à nous dans le même temps