Page:Léon Daudet – L’Hérédo.djvu/208

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
200
L’HÉRÉDO

jeune homme infatué et ignorant de toutes les conditions de l’existence, l’autre d’un sorcier de campagne et le troisième d’un rat de bibliothèque, perdus eux-mêmes parmi une petite dispute de vieilles femmes avares et hargneuses. Tenant son clavier congénital, j’aurais pu établir, une par une, le répertoire de ses manies. C’était dommage, car il laissait étouffer et végéter un soi remarquable, dont il eût pu et dû tirer les plus beaux accents. Ce soi transparaissait dans sa sincérité et dans sa curiosité infatigable, mais cédait le pas à l’automate, suivant le mécanisme décrit plus haut.

Il était manifeste que ses erreurs — cultivées par lui avec une sombre délectation — tenaient à l’interposition d’hérédismes variés entre la vérité et son soi. Ce dernier cherchait le vrai mais était détourné de lui par un ancêtre fol, à peu près de la même façon que dans le jeu dit du « chat coupé ». Aussitôt l’on voyait Soury courir après le fantôme mental ou le morceau de fantôme qui venait ainsi de le duper, puis revenant à son point de départ avec une tristesse infinie. Toute sa vie il s’usa à ce jeu. Une monographie de ce halètement et de cette quête perpétuellement déviée