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L’HÉRÉDO.

à Elseneur, — dans l’hypothèse où son voyage eût été réel, — soit dans les vieilles chroniques qu’il dévorait. Mais l’animation d’un Rodion, d’un Marmeladoff, d’un Svidrigaïloff, d’un Porphyre, d’un Razoumikine venait de l’ascendance de Dostoievsky, comme l’animation de Polonius, d’Ophélie, de Laerte, de la Reine, venait de la lignée shakespearienne. Ce ne sont pas là des peintures. Ce sont des créations internes, des fécondations, puis des projections d’hérédismes. Le thème de Crime et Châtiment, c’est le débat du tonus du vouloir et de l’équilibre contre les spectres congénitaux. C’est pourquoi le remords y est si intense. Car le remords est une réitération mentale des actes, un ressassement connexe au réveil héréditaire. Conscience bourrelée, conscience habitée,

La médecine, qui forge parfois de bien mauvais mots, a appelé neurasthéniques des hérédos caractérisés par ceci : qu’ils ont du remords sans avoir commis, en fait, de mauvaise action. Leur médiocrité les tourmente ; ou encore ils ont honte des mauvaises pensées, des ægri somnia, hérédismes larvaires flottant dans les meilleures consciences, que