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DANS LES PROFONDEURS DU SOI.

dort et leur ferme les yeux intérieurs, avant que les yeux du visage ne se ferment. Il faut les persuader de ce fait que la diminution de l’instinct génésique, si elle amoindrit, heureusement pour eux, une vaine appétence, augmente leur liberté intérieure et leur sagesse, leur permet de considérer l’univers d’un regard plus délibéré, de porter jugement, de pénétrer plus loin. Je conçois fort bien une découverte importante, essentielle, faite par un vieillard de quatre-vingts ans et davantage, auquel un entraînement psychique approprié aurait permis de surmonter la décrépitude physique.

J’ai connu, en pleines Alpes françaises, un savant religieux, célèbre par sa charité, ses sauvetages et son érudition botanique. Il vécut jusque dans un âge très avancé, en pleine possession de ses puissantes facultés intellectuelles, au milieu de la solitude, de ses livres et de ses auxiliaires, véritable providence des voyageurs égarés et des errants. Admis en sa présence, on reconnaissait un soi de premier ordre, solide et fin comme une barre d’or, d’un or multiplié par le don. Le regard était libre de tout hérédisme, la voix douce, grave et